L’image dans l’espace et vice-versa (à propos de la série Architecture et Photographie), 2015
Ces travaux montrent des volumes simples et des maquettes d’architectures sur lesquels des images photographiques sont projetées.
Le principe de la projection est important car celle-ci se déploie dans l’espace en éclairant les objets ; elle est considérée comme un mode d’éclairement complexe qui se combine avec d’autres sources lumineuses. Cette lumière codifiée par l’image photographique elle-même se fixe sur de multiples plans de projections.
Il s’agit de questionner fictivement la matérialité de l’image, sa surface, son épaisseur, sa densité, son dessous, son entre-deux, son à coté…
L’image vient se projeter comme un événement, un moment de vie, un élément organique. Elle acquiert un surplus de réalité en regard de la maquette qui demeure une modélisation du réel. Cette question de substitution au réel est une manière d’interroger à nouveau le statut de la photographie : l’image photographique projetée devient-elle une forme de réel et ce type d’assemblage ou de montage invente-t-il une nouvelle réalité ?
La série Alignement, 2007, rassemble une suite de maquettes, cadrées de façon identique, représentant un immeuble standardisé, ordinaire et banal sur lequel une séquence photographique projetée (un marché du Caire) imprime une réalité concrète du monde alors que la modélisation, pourtant réaliste de la maquette, nous tient à distance. La photographie montre de l’intériorité, de l’organique, du vernaculaire, du recyclage. Elle apporte et réinvente du réel.
Paysage, 2006, révèle la possibilité d’observer attentivement le plan de coupe d’une chaussure, tout en laissant apparaitre dans l’espace, différentes épaisseurs et à l’arrière-plan un paysage. C’est sa nature spécifique – un objet devenant un corps organique - et son échelle qui permettent sa transposition de la stratification des couches, à la géologie et au paysage habité que la projection révèle.
Latérale, 2007, est la troisième partie d’une séquence de trois images montrant une photographie du plus long immeuble d’habitation du monde dans la banlieue de Rome (Corviale). L’espace de prise de vue a été déréglé par la rotation d’un quart du parallélépipède blanc ce qui permet de révéler le dispositif d’éclairement et de construction spatiale. La première partie de cette séquence montrait cette barre d’immeuble d’un kilomètre dans un rapport de projection homothétique à la maquette. La deuxième partie interrogeait l’éventualité d’un dessous de la photographie projetée en opérant un basculement de la maquette.
L’enjeu de ce dispositif et de ces multiples variantes est de rejouer la construction de l’espace photographique comme une métaphore de la boîte optique en écho à l’histoire de la photographie et en résonnance avec l’espace réel
Simuler ainsi la prolifération des images dans la ville (Ecran, 2007) ou bien des images du corps (Transpercement, 2006) c’est chercher ce passage où l’image prend corps sur l’objet. Elle recouvre le réel et tenterait de devenir du réel.
Dans des travaux récents, Musée Le Caire, 2014, les maquettes ainsi que l’espace environnant sont recouverts de terre évoquant une stratification accélérée des espaces et du temps. Cette terre n’occulte pas les objets, elle en métamorphose leurs apparences.
Une procédure identique de projection d’image va être faite dans l’intention de percer et de creuser la forme. L’image photographique projetée se confond maintenant avec l’arrière-plan et opère une véritable trouée dans l’objet. Elle suggère une réminiscence des images du monde ou d’images mémorielles qui s’inscrivent dans l’épaisseur de la matière comme autant de perspectives confondant regard et vision.
Patrick Tosani